Portrait Alumni : Maurice Bourduge, Directeur des soins

Portrait Alumni : Maurice Bourduge, Directeur des soins

Directeur des soins au sein du Centre Hospitalier Métropole Savoie, Maurice nous ouvre les portes du métier de Directeur des Soins. Il revient sur son parcours et son rôle auprès des 3 200 professionnels paramédicaux qu’il accompagne, et les enjeux humains et organisationnels qu’il porte au quotidien. Un témoignage plus qu’inspirant, au croisement du soin, du management et de l’engagement collectif.

Bonjour Maurice, pouvez-vous nous présenter votre parcours et votre fonction actuelle ?

Je suis actuellement directeur des soins dans un établissement hospitalier. Ce métier reste encore peu connu, bien qu’il soit stratégique dans l’organisation du système de santé. Nous sommes directeurs au même titre que les directeurs hospitaliers, et notre formation passe par l’École des Hautes Études en Santé Publique (EHESP) à Rennes.

Issu de la filière infirmière, j’ai exercé comme infirmier, puis infirmier anesthésiste, avant de devenir cadre. Je n’ai pas occupé de poste de cadre supérieur, mais la réglementation permet, après un certain nombre d’années d’expérience, de passer le concours de directeur des soins.

Quelles sont vos missions en tant que directeur des soins ?

Notre rôle est d’assurer le pilotage et l’accompagnement de l’ensemble des professionnels paramédicaux de l’établissement (soignants, rééducateurs et médico-techniques) : infirmiers, aides-soignants, kinésithérapeutes, ergothérapeutes, préparateurs en pharmacie, manipulateurs radio, assistants sociaux, etc. Cela représente environ 3 200 professionnels au sein de notre structure.

Nous intervenons à plusieurs niveaux : management des équipes, qualité des soins, organisation des services, développement des compétences. Nous portons également un projet de soins à l’échelle de l’établissement, co-construit avec les professionnels. Avec ma collègue directrice des soins, nous avons souhaité nous appuyer sur le précédent projet de soins afin de capitaliser sur les réussites, identifier les points d’amélioration, et redéfinir les priorités.

Comment ce projet a-t-il été construit avec les équipes ?

Nous avons organisé un travail en plusieurs étapes. Après une première analyse du projet précédent, nous avons défini cinq axes structurants autour de la qualité des soins, du sens du soin et de l’organisation des prises en charge.

Nous avons ensuite réuni l’encadrement supérieur et les cadres de santé en séminaire, avant de proposer les grandes orientations aux professionnels via un questionnaire numérique. Les retours que nous avons reçus étaient très cohérents avec ceux des cadres, à la fois en termes de préoccupations et de propositions. La diversité des réponses reflétait bien la variété des métiers présents dans l’établissement.

Vous êtes deux directeurs des soins pour 3 200 professionnels. Comment se répartissent vos missions ?

Nous nous répartissons les dix pôles d’activité de l’établissement. Pour ma part, je suis référent du site d’Aix-les-Bains, et je pilote également plusieurs pôles transversaux comme la gériatrie, les activités médico-techniques et la chirurgie. Ma collègue, pilote de son côté les pôles de médecine/cancérologie, Femme Mère Enfant, Urgence-Réa-Cardio-Neuro et assure la coordination générale des soins à l’échelle du territoire.

Notre collaboration avec la direction des ressources humaines est également essentielle. En tant que direction des soins, nous définissons les besoins en effectifs, les organisations soignantes et en compétences, et la DRH représentant l'employeur assure le recrutement et suit les parcours professionnels, que ce soit dans le cadre de la fonction publique hospitalière ou via des contrats en droit privé.

Vous exercez également des fonctions de garde ?

Oui, nous assurons des gardes administratives à tour de rôle. Pendant une semaine complète, nous sommes responsables de l’établissement, de jour comme de nuit. Ces gardes couvrent l’ensemble des problématiques liées à la sécurité des personnes et des biens, qu’il s’agisse de tensions dans les services, de situations sanitaires exceptionnelles ou d’événements imprévus nécessitant une réorganisation rapide des soins. Nous assurons le lien avec la Préfecture, les forces de l'ordre et l'ARS les cas échéants.

Quelles qualités sont, selon vous, indispensables pour exercer cette fonction ?

La première qualité, à mes yeux, est l’intérêt sincère pour les autres. Manager, accompagner, fédérer : tout cela n’a de sens que si l’on aime profondément travailler avec les personnes, l'humain.

Il faut également être structuré, organisé, capable de faire face à des charges de travail importantes. Mais surtout, il faut aimer porter des projets collectifs, soutenir les équipes, être à l’écoute, ajuster ses décisions lorsque c’est nécessaire, et toujours garder à l’esprit l’importance du collectif.

L’humilité est fondamentale. Il ne s’agit pas de détenir toutes les réponses, mais de savoir prendre des décisions avec les éléments disponibles, tout en restant capable de les remettre en question si le contexte évolue.

Quel est le principal défi que vous rencontrez dans votre quotidien ?

Sans hésiter, l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. C’est une problématique récurrente dans les métiers du soin. Nous sommes souvent très engagés, investis, et il peut être difficile de poser des limites. Or, pour être un bon professionnel, il faut aussi savoir préserver son équilibre personnel.

Y a-t-il une expérience marquante que vous gardez en mémoire ?


Oui, une en particulier. Alors que j’étais encore infirmier anesthésiste, j’ai pris en charge une petite fille de trois ans et demi, qui avait eu un grave accident avec une tondeuse. Nous avons dû lui faire une greffe au niveau de la main pour pouvoir la reconstruire ultérieurement.

J’étais en charge de l’anesthésie cette nuit-là, et j’ai accompagné l’enfant et sa famille dans les semaines qui ont suivi. Ce genre d’histoire, avec une fin positive, marque profondément. Elle incarne ce qui donne du sens à notre engagement.

 

Vous avez étudié à l’école Rockefeller, à Lyon. Que retenez-vous de cette formation ?

J’ai intégré l’école Rockefeller après deux années de médecine à Lyon Nord. C’était entre 1992 et 1995, au moment d’une réforme des études infirmières qui réunissait les enseignements somatiques et psychiatriques.

J’ai eu la chance de découvrir la diversité et la richesse du métier infirmier, en particulier grâce aux stages et aux modules optionnels. J’ai été fortement marqué par l’enseignement en psychiatrie. L’école avait fait le choix d’intégrer une formatrice issue de ce champ, ce qui n’était pas courant à l’époque. Elle a su transmettre avec beaucoup de profondeur la réalité du soin en santé mentale, et c’est ce qui a orienté une partie de mon parcours par la suite. Grâce à elle, j’ai pu effectuer plusieurs stages dans ce domaine, et j’ai présenté mon diplôme avec un cursus équilibré entre psychiatrie et soins somatiques. Cela m’a permis de travailler ensuite dans des services mixtes, notamment aux urgences médico-psychiatriques du Pavillon N d'HEH à Lyon, où je me suis pleinement épanoui.

Y a-t-il des figures marquantes que vous gardez en mémoire ?

Oui, très clairement. Je pense notamment à Madame Hélène Daumur, ancienne Directrice de l'Ecole d'Infirmière Rockefeller qui nous enseignait la législation et l’éthique. C’était une femme profondément ancrée dans les valeurs du soin, et un véritable puits de savoir. Elle savait les transmettre avec humanité, exigence et justesse. Elle a vraiment été un modèle pour moi. J’ai eu la chance de la recroiser à l’occasion des 100 ans de l’école Rockefeller, ce qui a été un beau moment d’émotion.

Je garde aussi le souvenir d’une équipe pédagogique très investie et compétente. Joëlle Caputo, Anne-Marie GIRAUD, Michèle Desbrosses, Dominique Doré, Dominique Defontaine, Marie-Odile Boutarin… Chacune avait sa personnalité, ses spécificités, ses exigences, mais toujours avec cette bienveillance et cette envie de faire progresser les étudiants. Elles nous ont fait travailler, il faut le dire, mais elles nous ont aussi beaucoup appris humainement.

Un souvenir en particulier de cette époque ?

Ce sont surtout les liens humains et la qualité des enseignements qui me reviennent. On sentait un véritable engagement de la part des formatrices. J’ai aussi été marqué par ma directrice de mémoire, issue du champ psychiatrique, Anne Marie Giraud, que j’ai ensuite recroisée à Saint-Jean-de-Dieu. Son accompagnement a renforcé mon intérêt pour la psychiatrie, un domaine souvent redouté, mais qui m’a profondément nourri sur le plan professionnel et personnel, bien qu'orienté plus tard vers l'anesthésie puis le management et la Direction.

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